Est-il toujours possible de bénéficier d’une retraite pour carrière longue et dans quelles conditions ?
Une fois n’est pas coutume, on s’intéresse donc cette semaine à la retraite obligatoire ! 🇫🇷
Savez-vous Agnès d’où viennent ces départs anticipés pour carrière longue ? L’histoire raconte que la CFDT aurait obtenu ce « totem » en échange de son accord dans le cadre des négociations autour de la Loi Fillon portant réforme des retraites en 2003. Et ce qui est beaucoup plus amusant - voire truculent comme disait mon grand-père qui l’était tout autant - c’est que ces dispositifs ont accéléré les dépenses du régime général de l’assurance vieillesse qui est donc devenu plus rapidement déficitaire qu’avant la réforme 🫣.
En effet de nombreux retraités ont pu partir plus vite que prévu ce qui a contribué à accélérer les dépenses du régime général.
Après avoir un peu tâtonné, notamment sur les conditions de preuves des trimestres travaillés avant 18 ans, le dispositif a trouvé un certain régime de croisière et permet ainsi, depuis presque 20 ans, de reconnaître la durée exceptionnelle de certaines carrières, potentiellement synonyme d’une certaine forme de pénibilité de la carrière.
Ce dispositif est toujours en vigueur et permet donc de partir au taux plein avant l’âge minimum de 62 ans sur la retraite de base.
Basiquement - le lecteur attentif aura compris que cet adverbe est très inadapté à la retraite en France - deux possibilités s’offrent à vous :
- si vous avez commencé à travailler avant 16 ans (4 ou 5 trimestres selon les cas) vous pourrez prendre votre retraite à partir de 58 ans, sous conditions,
- si vous avez commencé à travailler avant 20 ans (4 ou 5 trimestres selon les cas), vous pourrez prendre votre retraite à partir de 60 ans, sous conditions.
En détail, si vous avez acquis 5 trimestres d'assurance avant le 31 décembre de l'année de vos 20 ans (ou pour les assurés nés au 4e trimestre, 4 trimestres acquis au 31 décembre de l'année de vos 20 ans) ET que vous avez cotisé plus de 166 à 172 trimestres (selon la génération) tous régimes confondus, vous pourrez liquider votre retraite à partir de 60 ans. Et si vous avez acquis 5 trimestres d'assurance avant le 31 décembre de l'année de vos 16 ans (ou pour les assurés nés au 4e trimestre, 4 trimestres acquis au 31 décembre de l'année de vos 16 ans) ET que vous avez cotisé plus de 175 à 180 trimestres (selon la génération) tous régimes confondus, vous pourrez liquider votre retraite à partir de 58 ans.
Attention tout de même à deux points : 1/ la pension complémentaire ARRCO-AGIRC est impactée, comme pour tout salarié qui part au taux plein, par un abattement temporaire de 10% pendant 3 ans et 2/ le cumul emploi retraite est plafonné jusqu’à l’âge minimum légal de 62 ans. 😎
Les questions Hot !
Tu as une problématique retraite pour laquelle tu as besoin d'un avis d'expert ?
Qu’est-ce que la minoration temporaire à l’AGIRC-ARRCO et pourquoi les organisations syndicales demandent sa disparition ?
Question de
Adrien C.
12/9/2023
Cher Adrien,
Merci pour cette question qui nous replonge dès le retour des congés dans les conséquences de la réforme des retraites.
Le Bonus-Malus AGIRC-ARRCO, également appelé Coefficient temporaire de minoration, est en place depuis 2019.
En pratique, pour toute liquidation des générations à partir de 1957, si le départ intervient à taux plein, un malus de 10% s’applique sur la retraite complémentaire AGIRC-ARRCO pendant 3 ans. Il faut travailler 1 an de plus que le taux plein pour que ce coefficient disparaisse ; travailler 2 ans de plus que le taux plein permet d’obtenir un bonus de 10% de sa pension AGIRC-ARRCO pendant 1 an (20% pendant 1 an pour 3 ans de plus que le taux plein).
A l’origine de ce dispositif, l’idée que l’équilibre des régimes complémentaires passait par un recul de l’âge de liquidation moyen des retraites. Arrêtons-nous un instant sur ce concept : les partenaires sociaux en charge de la gestion des régimes complémentaires des salariés ont donc considéré depuis plusieurs années que les retraites étaient liquidées trop tôt, et le taux plein n’existait plus vraiment à l’AGIRC-ARRCO depuis 2019.
Quelques statistiques sont d’ailleurs disponibles sur ce bonus-malus : 9% des nouveaux retraités ont repoussé leur départ à la retraite, et 55% ont subi la minoration. Quand on sait que la pension AGIRC-ARRCO représente environ 30% des retraites liquidées moyennes en 2020, on voit que cette mesure est tout sauf symbolique.
D’autant que désormais tout ceci est largement impacté par la réforme des retraites, car :
- l’âge minimum de départ à la retraite passe de 62 ans à 64 ans,
- et l’augmentation du nombre de trimestres requis pour obtenir le taux plein accélère.
Dans ce contexte, de nombreuses voix s’élèvent en cette rentrée sociale, notamment du côté des représentants des salariés à l’AGIRC-ARRCO, pour demander la suppression de ce système.
A mon sens c’est une demande légitime :
- dans le contexte financier du régime unifié AGIRC-ARRCO désormais excédentaire (2,6 milliards d’excédents en 2021 et 5,1 milliards en 2022).
- et quand on sait que les retraites AGIRC-ARRCO ont vu leur taux de remplacement moyen à la liquidation diminuer régulièrement depuis 1999 sous l’effet du décalage entre revalorisation de la valeur d’achat des points et celle de service. A titre d’exemple, la valeur d’achat du point a augmenté de 46% entre 2002 et 2022, pendant que la valeur de service n’évoluait « que » de 28% (soit -15% de retraite pour une cotisation identique, grosso modo).
En tout cas, félicitations cette question très à-propos, puisqu’une réunion de négociation sur les nouvelles règles de l’Agirc-Arrco a lieu ce mercredi 13 septembre, et que le sujet de la disparition du malus fait partie des points de discussion (avec l’apparition d’une part de capitalisation peut-on lire !).
→ Voir la réponse de
Julien