Cher Philippe, merci pour cette question très très hot !
Toute aussi impopulaire (ce que disent les Français) que constitutionnelle (ce que disent les Sages), la réforme des retraites a été promulguée ce samedi matin par le président Emmanuel Macron, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne (un peu de poésie ne nuit pas en ces temps obscurs 😉)…
Désormais, même si la contestation n’est pas totalement éteinte, il est temps de faire le bilan.
Le bilan tout d’abord des mesures retoquées par le Conseil Constitutionnel :
Elles sont au nombre de 3, considérées comme des cavaliers sociaux par les Sages :
- le CDI Seniors,
- l’Index Senior,
- le suivi individuel spécifique pour les salariés exposés à certains risques professionnels.
Les deux premières devraient être reprises dans un prochain projet de Loi sur le plein emploi, annoncé pour le printemps. Ce qui est plutôt une bonne nouvelle, car le taux d’emploi des seniors reste un sujet majeur pour la réussite de cette réforme. Rien ne sert de reporter l’âge de départ si c’est pour que les + de 60 ans soient au chômage.
Le bilan d’une communication ratée :
Clairement cette réforme est largement rejetée par la population, qui soutient même la contestation assez fortement encore ce jour.
La stratégie des opposants politiques et syndicaux à la réforme a consisté à minimiser / annuler dans nos esprits le déficit de 2030 à résorber.
Ils se sont basés notamment sur d’autres scénarios du Conseil d’Orientation des Retraites (COR) (très optimistes) que celui retenu par le gouvernement (un peu optimiste) pour expliquer que la réforme était inutile car il n’y avait pas de déficit en 2030 ou que c’était « l’épaisseur du trait ».
Après le « quoi qu’il en coûte » et l’argent gratuit de ces dernières années, le gouvernement n’a plus réussi ensuite à être audible sur le caractère nécessaire de la réforme. Des arguments autour de la démographie ont été utilisés, mais finalement peu relayés dans les médias.
Le bilan ensuite des économies réalisées :
De ce côté-là, c’est beaucoup plus compliqué de se faire une opinion.
Le report de l’âge d’ouverture des droits de 62 à 64 ans et le passage « plus rapide » à 43 ans de cotisations généreraient 17,7 milliards d’économies en 2030, mais les différentes mesures concédées pour rendre cette réforme acceptable (sic) consommeraient entre 6,5 et 8 milliards d’euros au même horizon.
Ce qui conduirait la réforme actuelle à ne pas financer totalement les 13,5 milliards de déficit des régimes en 2030, selon l’un des scénarios du COR sur lequel s’est basé le gouvernement.
Bref, Philippe, tu l’auras compris, cette réforme n’est sûrement pas la dernière !
Et collectivement nous ne pouvons pas faire grand chose, à part promouvoir encore et toujours une part de capitalisation dans nos retraites, par exemple en mettant en place un … PERo ! On en parle ?
Les questions Hot !
Tu as une problématique retraite pour laquelle tu as besoin d'un avis d'expert ?
Qu’est-ce que la minoration temporaire à l’AGIRC-ARRCO et pourquoi les organisations syndicales demandent sa disparition ?
Question de
Adrien C.
12/9/2023
Cher Adrien,
Merci pour cette question qui nous replonge dès le retour des congés dans les conséquences de la réforme des retraites.
Le Bonus-Malus AGIRC-ARRCO, également appelé Coefficient temporaire de minoration, est en place depuis 2019.
En pratique, pour toute liquidation des générations à partir de 1957, si le départ intervient à taux plein, un malus de 10% s’applique sur la retraite complémentaire AGIRC-ARRCO pendant 3 ans. Il faut travailler 1 an de plus que le taux plein pour que ce coefficient disparaisse ; travailler 2 ans de plus que le taux plein permet d’obtenir un bonus de 10% de sa pension AGIRC-ARRCO pendant 1 an (20% pendant 1 an pour 3 ans de plus que le taux plein).
A l’origine de ce dispositif, l’idée que l’équilibre des régimes complémentaires passait par un recul de l’âge de liquidation moyen des retraites. Arrêtons-nous un instant sur ce concept : les partenaires sociaux en charge de la gestion des régimes complémentaires des salariés ont donc considéré depuis plusieurs années que les retraites étaient liquidées trop tôt, et le taux plein n’existait plus vraiment à l’AGIRC-ARRCO depuis 2019.
Quelques statistiques sont d’ailleurs disponibles sur ce bonus-malus : 9% des nouveaux retraités ont repoussé leur départ à la retraite, et 55% ont subi la minoration. Quand on sait que la pension AGIRC-ARRCO représente environ 30% des retraites liquidées moyennes en 2020, on voit que cette mesure est tout sauf symbolique.
D’autant que désormais tout ceci est largement impacté par la réforme des retraites, car :
- l’âge minimum de départ à la retraite passe de 62 ans à 64 ans,
- et l’augmentation du nombre de trimestres requis pour obtenir le taux plein accélère.
Dans ce contexte, de nombreuses voix s’élèvent en cette rentrée sociale, notamment du côté des représentants des salariés à l’AGIRC-ARRCO, pour demander la suppression de ce système.
A mon sens c’est une demande légitime :
- dans le contexte financier du régime unifié AGIRC-ARRCO désormais excédentaire (2,6 milliards d’excédents en 2021 et 5,1 milliards en 2022).
- et quand on sait que les retraites AGIRC-ARRCO ont vu leur taux de remplacement moyen à la liquidation diminuer régulièrement depuis 1999 sous l’effet du décalage entre revalorisation de la valeur d’achat des points et celle de service. A titre d’exemple, la valeur d’achat du point a augmenté de 46% entre 2002 et 2022, pendant que la valeur de service n’évoluait « que » de 28% (soit -15% de retraite pour une cotisation identique, grosso modo).
En tout cas, félicitations cette question très à-propos, puisqu’une réunion de négociation sur les nouvelles règles de l’Agirc-Arrco a lieu ce mercredi 13 septembre, et que le sujet de la disparition du malus fait partie des points de discussion (avec l’apparition d’une part de capitalisation peut-on lire !).
→ Voir la réponse de
Julien