Qu’est ce que l’espérance de vie en bonne santé, et est-elle mesurée en France ?
Cher Baptiste,
Un grand merci pour cette question, vraiment d’actualité, en ce jour de lancement des débats sénatoriaux sur la réforme des retraites 🇫🇷.
Celles et ceux d’entre vous qui ont suivi la conférence de presse du gouvernement annonçant cette réforme le 10 janvier dernier ont bien noté que le sujet de l’espérance de vie est central dans la communication relative à la réforme de nos régimes par répartition, de même que les déficits futurs et le ratio démographique (nombre de retraités par actif).
Comment peut-on justifier de ne pas décaler l’âge de départ à la retraite si on vit plus longtemps, que nous sommes moins nombreux à cotiser et donc que nos régimes seront déséquilibrés dans le futur ?
Pas simple de trouver des arguments pour contrer une telle construction logique, même si un bon sondage « êtes-vous d’accord pour travailler 2 ans de plus avant la retraite ? » met en général 80% des participants du côté des opposants au projet. On devrait aussi demander au panel de sondés s’ils sont contre la guerre, la faim dans le monde ou le réchauffement climatique, quitte à enfoncer des portes ouvertes.
La Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES), qui se présente comme le service statistique ministériel dans les domaines de la santé et du social, vient de publier une étude relative à l’espérance de vie sans incapacité (une autre façon de nommer l’espérance de vie en bonne santé), qu’elle calcule depuis 2008.
Pour autant, un argument revient régulièrement sur la table : certes l’espérance de vie en France augmente, mais l’espérance de vie en bonne santé serait médiocre dans notre beau pays, voire même stagnerait.
Comment justifier alors d’un report de l’âge de départ à la retraite, si c’est pour rogner les quelques années « sympas » qui nous restent à vivre en partant à la retraite ?
Deux indicateurs sont publiés dans cette étude, pour les hommes et les femmes : l’espérance de vie en bonne santé à la naissance, et l’espérance de vie en bonne santé à 65 ans. Ce deuxième indicateur est particulièrement pertinent pour notre sujet de retraite, car il permet de neutraliser l’effet de toutes les maladies précédant le départ à la retraite.
Et contre toute attente, les résultats sont plutôt bons :
- l’espérance de vie sans incapacité à 65 ans s’élève à 12,6 ans pour les femmes, et 11,3 ans pour les hommes
- l’espérance de vie sans incapacité forte à 65 ans s’élève à 18,8 ans pour les femmes, et 16,2 ans pour les hommes.
Tout ceci nous place 8 mois au-dessus de la moyenne européenne pour les hommes et 1 an et 8 mois pour les femmes.
https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2023-02/ER1258MAJ240223.pdf
Les questions Hot !
Tu as une problématique retraite pour laquelle tu as besoin d'un avis d'expert ?
Qu’est-ce que la minoration temporaire à l’AGIRC-ARRCO et pourquoi les organisations syndicales demandent sa disparition ?
Question de
Adrien C.
12/9/2023
Cher Adrien,
Merci pour cette question qui nous replonge dès le retour des congés dans les conséquences de la réforme des retraites.
Le Bonus-Malus AGIRC-ARRCO, également appelé Coefficient temporaire de minoration, est en place depuis 2019.
En pratique, pour toute liquidation des générations à partir de 1957, si le départ intervient à taux plein, un malus de 10% s’applique sur la retraite complémentaire AGIRC-ARRCO pendant 3 ans. Il faut travailler 1 an de plus que le taux plein pour que ce coefficient disparaisse ; travailler 2 ans de plus que le taux plein permet d’obtenir un bonus de 10% de sa pension AGIRC-ARRCO pendant 1 an (20% pendant 1 an pour 3 ans de plus que le taux plein).
A l’origine de ce dispositif, l’idée que l’équilibre des régimes complémentaires passait par un recul de l’âge de liquidation moyen des retraites. Arrêtons-nous un instant sur ce concept : les partenaires sociaux en charge de la gestion des régimes complémentaires des salariés ont donc considéré depuis plusieurs années que les retraites étaient liquidées trop tôt, et le taux plein n’existait plus vraiment à l’AGIRC-ARRCO depuis 2019.
Quelques statistiques sont d’ailleurs disponibles sur ce bonus-malus : 9% des nouveaux retraités ont repoussé leur départ à la retraite, et 55% ont subi la minoration. Quand on sait que la pension AGIRC-ARRCO représente environ 30% des retraites liquidées moyennes en 2020, on voit que cette mesure est tout sauf symbolique.
D’autant que désormais tout ceci est largement impacté par la réforme des retraites, car :
- l’âge minimum de départ à la retraite passe de 62 ans à 64 ans,
- et l’augmentation du nombre de trimestres requis pour obtenir le taux plein accélère.
Dans ce contexte, de nombreuses voix s’élèvent en cette rentrée sociale, notamment du côté des représentants des salariés à l’AGIRC-ARRCO, pour demander la suppression de ce système.
A mon sens c’est une demande légitime :
- dans le contexte financier du régime unifié AGIRC-ARRCO désormais excédentaire (2,6 milliards d’excédents en 2021 et 5,1 milliards en 2022).
- et quand on sait que les retraites AGIRC-ARRCO ont vu leur taux de remplacement moyen à la liquidation diminuer régulièrement depuis 1999 sous l’effet du décalage entre revalorisation de la valeur d’achat des points et celle de service. A titre d’exemple, la valeur d’achat du point a augmenté de 46% entre 2002 et 2022, pendant que la valeur de service n’évoluait « que » de 28% (soit -15% de retraite pour une cotisation identique, grosso modo).
En tout cas, félicitations cette question très à-propos, puisqu’une réunion de négociation sur les nouvelles règles de l’Agirc-Arrco a lieu ce mercredi 13 septembre, et que le sujet de la disparition du malus fait partie des points de discussion (avec l’apparition d’une part de capitalisation peut-on lire !).
→ Voir la réponse de
Julien