Que penser du nouveau rapport du COR, qui dit que le système des retraites va rester déficitaire, malgré la réforme ? Est-ce qu’on nous a menti sur l’estimation des dépenses, comme le dit la CGT ?
Chère Ingrid,
Effectivement un nouveau rapport du COR, le conseil d'orientation des retraites, est paru le 22 juin, intégrant pour la première fois les effets de la réforme des retraites du gouvernement.
Et oui, plusieurs personnalités ont souligné ces derniers temps que la réforme du gouvernement ne suffit pas à équilibrer les régimes à horizon 2030. Ceux-là même qui nous expliquaient cet hiver qu’il n’y avait pas besoin de réforme des retraites car le déficit projeté en 2030 par le COR était « l’épaisseur du trait »…
Il faut bien comprendre ce qu’est le COR : il s’agit d’un service du Premier Ministre, structure pluraliste et permanente, associant des parlementaires, des représentants des partenaires sociaux, des experts et des représentants de l'État français. Dans une telle organisation, la production de rapports de projections par le COR est l’objet de consensus entre les différentes composantes de cette organisation, en particulier pour le choix des hypothèses de projection. Le nombre de scénarios projetés et l’écart important entre les hypothèses permet à tout lecteur de se faire une opinion conforme à ses convictions politiques, ce qui est pratique quand il s’agit de mettre tout le monde d’accord pour produire un rapport, mais beaucoup moins pour justifier d’une réforme des retraites.
A titre d’exemple, le rapport sur lequel le gouvernement s’est basé pour chiffrer le déficit projeté à compenser en 2030 est celui de septembre 2022 (https://www.cor-retraites.fr/index.php/node/595), dans lequel deux hypothèses économiques majeures impactent l’équilibre du régime :
- la croissance de la productivité du travail (entre 0,7% et 1,6% par an),
- le taux de chômage de la population active (entre 4,5% et 10% avec un scénario central à 7%).
Compte tenu des montants en jeu, environ 350 milliards de cotisations et de prestations par an, la sensibilité du déficit est très importante par rapport à ces différentes hypothèses, pour des déficits de l’ordre de 10 à 30 millions d’euros.
La complexité du sujet et la sensibilité aux hypothèses économiques et démographiques de tels régimes font que le rapport ne peut pas être conclusif. Et donc aucune vision nationale de l’état de nos régimes de retraite ne s’impose….
Donc oui, il est probable que la réforme ne suffise pas à équilibrer les régimes à horizon 2030, mais il faut quand même noter 2 éléments majeurs :
- ce sont les mesures « sociales », proposées pour obtenir l’adhésion politique et syndicale au projet (sic), qui amoindrissent les bénéfices de cette réforme,
- une partie du chemin a été réalisé, mais on sait de toute façon que compte tenu de la sensibilité de nos régimes à la natalité, l’emploi, l’espérance de vie (…) il faudra y revenir.
La seule question c’est : « quand ? » Je parierai sur 2027-2028, avec l’arrivée d’un nouveau Président.
À bientôt 👋
Les questions Hot !
Tu as une problématique retraite pour laquelle tu as besoin d'un avis d'expert ?
Qu’est-ce que la minoration temporaire à l’AGIRC-ARRCO et pourquoi les organisations syndicales demandent sa disparition ?
Question de
Adrien C.
12/9/2023
Cher Adrien,
Merci pour cette question qui nous replonge dès le retour des congés dans les conséquences de la réforme des retraites.
Le Bonus-Malus AGIRC-ARRCO, également appelé Coefficient temporaire de minoration, est en place depuis 2019.
En pratique, pour toute liquidation des générations à partir de 1957, si le départ intervient à taux plein, un malus de 10% s’applique sur la retraite complémentaire AGIRC-ARRCO pendant 3 ans. Il faut travailler 1 an de plus que le taux plein pour que ce coefficient disparaisse ; travailler 2 ans de plus que le taux plein permet d’obtenir un bonus de 10% de sa pension AGIRC-ARRCO pendant 1 an (20% pendant 1 an pour 3 ans de plus que le taux plein).
A l’origine de ce dispositif, l’idée que l’équilibre des régimes complémentaires passait par un recul de l’âge de liquidation moyen des retraites. Arrêtons-nous un instant sur ce concept : les partenaires sociaux en charge de la gestion des régimes complémentaires des salariés ont donc considéré depuis plusieurs années que les retraites étaient liquidées trop tôt, et le taux plein n’existait plus vraiment à l’AGIRC-ARRCO depuis 2019.
Quelques statistiques sont d’ailleurs disponibles sur ce bonus-malus : 9% des nouveaux retraités ont repoussé leur départ à la retraite, et 55% ont subi la minoration. Quand on sait que la pension AGIRC-ARRCO représente environ 30% des retraites liquidées moyennes en 2020, on voit que cette mesure est tout sauf symbolique.
D’autant que désormais tout ceci est largement impacté par la réforme des retraites, car :
- l’âge minimum de départ à la retraite passe de 62 ans à 64 ans,
- et l’augmentation du nombre de trimestres requis pour obtenir le taux plein accélère.
Dans ce contexte, de nombreuses voix s’élèvent en cette rentrée sociale, notamment du côté des représentants des salariés à l’AGIRC-ARRCO, pour demander la suppression de ce système.
A mon sens c’est une demande légitime :
- dans le contexte financier du régime unifié AGIRC-ARRCO désormais excédentaire (2,6 milliards d’excédents en 2021 et 5,1 milliards en 2022).
- et quand on sait que les retraites AGIRC-ARRCO ont vu leur taux de remplacement moyen à la liquidation diminuer régulièrement depuis 1999 sous l’effet du décalage entre revalorisation de la valeur d’achat des points et celle de service. A titre d’exemple, la valeur d’achat du point a augmenté de 46% entre 2002 et 2022, pendant que la valeur de service n’évoluait « que » de 28% (soit -15% de retraite pour une cotisation identique, grosso modo).
En tout cas, félicitations cette question très à-propos, puisqu’une réunion de négociation sur les nouvelles règles de l’Agirc-Arrco a lieu ce mercredi 13 septembre, et que le sujet de la disparition du malus fait partie des points de discussion (avec l’apparition d’une part de capitalisation peut-on lire !).
→ Voir la réponse de
Julien