Cher Edouard, merci pour cette question d’actualité brûlante (sans aucune allusion aux poubelles parisiennes, promis).
Après une semaine politique extrêmement agitée, sur base de Commission Mixte Paritaire de compromis Renaissance - LR en milieu de semaine dernière, de vote avorté à l’Assemblée Nationale, d’utilisation du 49-3, de motion de censure rejetée, la radicalisation d’une partie du mouvement de contestation est très sensible depuis quelques jours.
Des stations-service à sec dans le Sud-Est, des poubelles et des casseurs qui s’invitent en soirée à Paris, des manifestations spontanées un peu partout en France, une SCNF bien désorganisée, … La situation semble pour le moins (très) bloquée.
Dans ce contexte, les plus folles rumeurs / attentes / espoirs couraient ces derniers jours depuis l’annonce de l’interview d’Emmanuel Macron dans les journaux télévisés de 13h de ce mercredi.
Allait-il renoncer à promulguer le texte ? Remanier le gouvernement, changer de Premier Ministre, voire même dissoudre l’Assemblée Nationale pour tenter de voir se dégager une véritable majorité de gouvernement ?
Autant dire que la prise de parole présidentielle du jour était attendue, pour qu’on tente enfin d’en savoir plus sur l’issue de cette réforme.
Et comme on pouvait l’imaginer, notre Président a confirmé la poursuite du chemin démocratique du texte de Loi, qui doit désormais passer par le Conseil Constitutionnel pour pouvoir ensuite être promulgué. Le texte de la réforme doit prendre effet comme prévu d'ici à la fin de l’année.
Emmanuel Macron a souligné l’importance de cette réforme pour la survie de notre système par répartition. Il comprend la colère des Français, leur déception, mais les invite à ne pas reporter la charge des retraites sur leurs enfants en laissant filer les déficits. Il souligne d’ailleurs que la France est l’un des pays où l’on part le plus tôt à la retraite, et que le nombre de retraités aura doublé entre 2000 et 2030.
Comprenant que la durée de la carrière est un problème pour bon nombre de Français, il dit entendre les attentes de :
- Ceux qui travaillent quand d’autres profitent,
- Ceux qui s’usent dans des métiers pénibles,
- Ceux qui travaillent dans des sociétés qui font de tels profits qu’elles rachètent leurs propres actions
- Ceux qui ont une pente de carrière très faible (fait intéressant : selon E. Macron nous aurions un salaire minimum plutôt haut au niveau Européen, mais un des salaires médians les plus proches du salaire minimum => pas de pente de carrière pour beaucoup de Français).
Emmanuel Macron souligne également l’impact fort de la crise Covid, qui a changé la vision du travail de beaucoup d’entre nous.
Dans ce contexte, notre Président propose de lancer des grands chantiers sociaux, avec les organisations syndicales et les élus politiques, et en particulier autour des thématiques suivantes, permettant de répondre aux inquiétudes des Français :
- RSA et retour à l’emploi,
- Usure professionnelle et reconversion,
- Partage de la valeur vs profits des grandes entreprises,
- Travail sur les carrières.
Bref, l’agenda social va être chargé dans les temps, notre Président voulant faire évoluer notre société et notre rapport au travail sur de nombreux fronts, en particulier car pour lui « L’immobilisme est l’assurance du déclassement ».
Tout un programme !
Les questions Hot !
Tu as une problématique retraite pour laquelle tu as besoin d'un avis d'expert ?
Qu’est-ce que la minoration temporaire à l’AGIRC-ARRCO et pourquoi les organisations syndicales demandent sa disparition ?
Question de
Adrien C.
12/9/2023
Cher Adrien,
Merci pour cette question qui nous replonge dès le retour des congés dans les conséquences de la réforme des retraites.
Le Bonus-Malus AGIRC-ARRCO, également appelé Coefficient temporaire de minoration, est en place depuis 2019.
En pratique, pour toute liquidation des générations à partir de 1957, si le départ intervient à taux plein, un malus de 10% s’applique sur la retraite complémentaire AGIRC-ARRCO pendant 3 ans. Il faut travailler 1 an de plus que le taux plein pour que ce coefficient disparaisse ; travailler 2 ans de plus que le taux plein permet d’obtenir un bonus de 10% de sa pension AGIRC-ARRCO pendant 1 an (20% pendant 1 an pour 3 ans de plus que le taux plein).
A l’origine de ce dispositif, l’idée que l’équilibre des régimes complémentaires passait par un recul de l’âge de liquidation moyen des retraites. Arrêtons-nous un instant sur ce concept : les partenaires sociaux en charge de la gestion des régimes complémentaires des salariés ont donc considéré depuis plusieurs années que les retraites étaient liquidées trop tôt, et le taux plein n’existait plus vraiment à l’AGIRC-ARRCO depuis 2019.
Quelques statistiques sont d’ailleurs disponibles sur ce bonus-malus : 9% des nouveaux retraités ont repoussé leur départ à la retraite, et 55% ont subi la minoration. Quand on sait que la pension AGIRC-ARRCO représente environ 30% des retraites liquidées moyennes en 2020, on voit que cette mesure est tout sauf symbolique.
D’autant que désormais tout ceci est largement impacté par la réforme des retraites, car :
- l’âge minimum de départ à la retraite passe de 62 ans à 64 ans,
- et l’augmentation du nombre de trimestres requis pour obtenir le taux plein accélère.
Dans ce contexte, de nombreuses voix s’élèvent en cette rentrée sociale, notamment du côté des représentants des salariés à l’AGIRC-ARRCO, pour demander la suppression de ce système.
A mon sens c’est une demande légitime :
- dans le contexte financier du régime unifié AGIRC-ARRCO désormais excédentaire (2,6 milliards d’excédents en 2021 et 5,1 milliards en 2022).
- et quand on sait que les retraites AGIRC-ARRCO ont vu leur taux de remplacement moyen à la liquidation diminuer régulièrement depuis 1999 sous l’effet du décalage entre revalorisation de la valeur d’achat des points et celle de service. A titre d’exemple, la valeur d’achat du point a augmenté de 46% entre 2002 et 2022, pendant que la valeur de service n’évoluait « que » de 28% (soit -15% de retraite pour une cotisation identique, grosso modo).
En tout cas, félicitations cette question très à-propos, puisqu’une réunion de négociation sur les nouvelles règles de l’Agirc-Arrco a lieu ce mercredi 13 septembre, et que le sujet de la disparition du malus fait partie des points de discussion (avec l’apparition d’une part de capitalisation peut-on lire !).
→ Voir la réponse de
Julien